Contre la crise du Covid-19, l’Afrique doit développer une stratégie inclusive qui tienne compte de ses contraintes économiques et sociales.
Par Omar Thiam*
Alors que la pandémie du Covid-19 continue de gagner du terrain et que plus de 239 208 personnes ont perdu la vie dans le monde, dont 1 696 (chiffre du 2 mai, milieu de journée)*, pour l’instant, en Afrique, il y a lieu de se souvenir de l’appel du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, il y a quelques semaines, dans un entretien diffusé sur RFI et France 24 en faveur d’un sursaut mondial dans la lutte contre la propagation du virus en Afrique. « Il est encore temps d’éviter des millions de morts », avait-il dit.
Tenir compte de la différence d’environnements
Cette crainte peut être surmontée si, dans les mesures à prendre, nous intégrons la dimension liée à la différence de contexte, des réalités socio-économiques et surtout culturelles des pays africains. En empruntant la même voie de résorption de la crise que les grands pays développés, à savoir les États-Unis, la France, la Chine et l’Italie, aujourd’hui en difficulté et dépassés malgré leurs importants moyens financiers et leurs équipements, nous allons droit dans le mur avec le risque que le scénario catastrophe redouté par le secrétaire général des Nations unies ne se réalise. Certes, les enseignements tirés de ce qui s’est passé en Italie, en France, en Chine et dans d’autres pays sont extrêmement précieux, mais ils ne peuvent pas être extrapolés directement sur le continent africain en raison de données démographiques différentes et de contraintes liées aux systèmes de santé. À ce niveau, il y a lieu de prendre en considération que le continent africain a ses spécificités par rapport aux autres régions du monde contaminées par le Covid-19.
La population, un élément distinctif important
Trois facteurs paraissent pouvoir être pris en compte au niveau de la population.
Premièrement, la structure démographique du continent est différente de celle des autres régions du monde. L’âge médian du 1,3 milliard d’habitants d’Afrique est de 19,7 ans, là où l’âge médian en Chine est de 38,4 ans et celui de l’Europe, 43,1. Les expériences en Asie et en Europe ont montré que les personnes de plus de 60 ans et celles ayant des problèmes de santé importants sont les plus vulnérables aux cas graves de Covid-19. Bien que la jeunesse de la population africaine puisse être considérée comme un facteur important de résistance à la pandémie, la manière dont le virus évoluera et se manifestera sur le continent reste inconnue.
Le deuxième facteur important concernant la population africaine est la forte prévalence de la malnutrition, de l’anémie, du paludisme, du sida et de la tuberculose dans certains pays. Par exemple, le Burundi et le Liberia ont un taux de retard de croissance des plus élevés au monde. Un enfant de moins de cinq ans sur trois souffre d’un retard de croissance. Il est possible d’envisager une accélération de cette épidémie en Afrique subsaharienne en raison de l’incidence de la malnutrition dans certains pays comme le Soudan. Sans compter que la saison des pluies est imminente, voire est déjà arrivée dans différentes zones, ce qui signifie que les cas de paludisme augmenteront rapidement et que les pics de paludisme en 2020 pourraient coïncider avec la pandémie de Covid-19 en cours.